La largeur du cadre dans la composition d’une image
Le cours de photo d’aujourd’hui commence par un brin de littérature. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément, résumait Nicolas Boileau-Despréaux dans L’art poétique (1674). Une photographie est une phrase où la lumière, les lignes, les formes et les couleurs sont des mots. Si votre phrase est trop longue, vous perdrez votre lecteur par manque de précision et de concision. La largeur du cadre, le nombre de sujets et leur taille dans le cadre sont autant d’informations qui constituent votre phrase. Autant de « mots » à mettre en forme.
En exagérant un peu, on peut presque considérer qu’en photo on ne dit qu’une seule chose à la fois. L’exercice semble simple mais il se complique parfois car nous ne ressentons et ne percevons pas toujours les choses telles que nous les avons vues. Notre cerveau corrige et fait le tri dans les informations qui nous parviennent. Chose que ne fera pas l’appareil photo.
La règle d’Hitchcock
Concrètement, l’œil est sensible aux mouvements et à la lumière sur les 180° que couvre notre champ de perception. Lorsque vous regardez un objet, votre œil voit sur 180°, vous concentrez votre attention sur 60° pour une scène et jusqu’à 5° voire 1° pour un détail. L’image réelle, celle que vous avez vraiment vue, rassemble les 180° de votre champ de vision. Et l’image mentale, celle qui va retenir votre attention, ne concerne que 1 à 5° de ce que vous avez vraiment vu. La plus grosse erreur de cadrage, qui est aussi la plus facile à éviter, et de confondre l’image mentale et l’image réelle.
Si vous regardez un détail, que vous voulez montrer ce détail mais que vous photographiez un plan d’ensemble, votre détail se perdra dans l’ensemble . Et votre lecteur ne saura jamais ce que vous avez voulu montrer. Cela rejoint la règle d’Hitchcock : le cinéaste considérait que la taille du sujet dans le cadre a un lien direct avec son importance dans l’histoire.
Plans larges, plans moyens ou plans serrés
Si vous souhaitez donner de l’importance à un sujet, approchez-vous ou zoomez pour lui donner plus de place dans le cadre. A l’inverse, si votre sujet n’a d’intérêt que dans son contexte, reculez ou dézoomez pour mieux planter le décor.
Plan large ou plan moyen, tout est question de dosage. Ne considérez pas les largeurs de cadre comme des règles à respecter mais comme autant d’outils à votre disposition pour vous exprimer. A vous de déterminer la part que vous souhaitez donner à votre sujet dans l’histoire que vous racontez à travers votre image.
Plans serrés et gros plan rejoignent directement la règle d’Hitchcock. Ils permettent de créer une certaine proximité avec le sujet. Sur un portrait, le gros plan laisse apparaître plus finement les détails et les émotions jusqu’à donner une sensation d’intimité. Le fort grossissement et la proximité du sujet, généralement associés à une grande ouverture de diaphragme, favorisent une profondeur de champ réduite qui renforce encore un peu plus cette sensation en isolant le sujet du fond.
Bien cadrer ses photo permet de mieux structurer un reportage
Dès leurs que vos images s’inscrivent dans un ensemble, la structure de chaque image pourra déterminer sa place dans la structure de votre reportage. Lorsque j’ai débuté en photojournalisme, les magazines demandaient que les images soient réalisées en ektas. Les diapos étaient présentées sur des planches de 20 qui se rangeaient facilement dans des classeurs et que l’on regardait sur une table lumineuse au compte fil. Je répartissais donc les vingt images de mon reportage de la façon suivante :
- 4 plans larges pour contextualiser le sujet, deux en format horizontal pour une ouverture en double page et deux en format vertical pour une pleine page
- 8 plans moyens qui racontent l’histoire, décomposent l’action
- 4 gros plans qui montrent un détail, un geste en particulier
- 4 portraits en plan assez serrés pour présenter les protagonistes de l’histoire ou 4 images présentant le sujet sous un angle un peu différent afin de pouvoir réaliser un encadré
Il ne s’agit là que d’une base de travail. D’autres approches sont bien évidemment possibles. Si vous avez développé des techniques personnelles, vous pouvez nous les faire partager dans les commentaires.
[sc:cadrage]
“Lorsque j’ai débuté en photojournalisme, les magazines demandaient que les images soient réalisées en ektas.” : ça t’a pas fait trop mal, d’écrire cette phrase ? 🙂
Bah, si, j’ai pris un coup de vieux :-/
En même temps je ne sais pas si je regrette vraiment les reportages en Velvia et Provia en 50 et 100 ISO voire 400 ISO maxi par temps de brouillard. 😉
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